Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

Il était une fois un petit nobliau qui n’avait pour toute fortune que le petit château de la Roquette, quelques terres, tenues tant bien que mal par des métayers indolents et des bois sur les pentes du Pic St Loup, si escarpées que son troupeau avait toutes les peines du monde à paître.

Parti en croisade pendant des années, il avait ramené d’Orient une fiole d’un élixir miraculeux, qu’il conservait secrètement dans son château. Il n’avait partagé ce secret qu’avec sa pauvre femme, disparue trop tôt, non sans lui avoir donné trois filles qui remplissaient désormais toute sa vie.

Je ne vous dirai pas en quelles circonstances il avait obtenu cet d’élixir, ni auprès de qui, ni contre quelles compromissions, tant cela n’était pas chrétien ! Toujours est-il qu’il vivait, depuis, avec pour seule ambition de transmettre le précieux liquide à ses filles.

Mais quel était le pouvoir de ce mystérieux élixir pour lequel il s’était damné ? Selon la vieille sorcière qui le lui avait procuré:

- Toute personne du soi-disant beau sexe qui en avalera quelques gouttes rajeunira de la moitié de son âge !

Ceci lui avait paru extraordinairement approprié pour ses filles, il leur assurerait ainsi jeunesse et longue vie. Il se ravissait à se projeter dans le futur, imaginant sa descendance profitant longtemps de l’insouciance de la jeunesse, lui qui – dans son jeune âge- avait surtout connu les rudesses de la vie féodale, puis la tristesse de la guerre.

Un jour, se sentant faiblir, il réunit ses trois filles, leur livra son secret et donna à chacune une minuscule fiole en leur disant :

- Lorsque vous boirez cet élixir, vous rajeunirez de la moitié de votre âge. Faites en bon usage et soyez heureuses… longtemps.

Chacune se retira dans sa chambre, tenant dans la main cette si petite fiole pourtant plombée d’un bien mystérieux pouvoir qui –déjà- polluait leurs pensées.

Peu de temps après, l’aînée fut mariée contre son gré à un seigneur du voisinage. Il était aussi vieux et rustre que la pauvre fille était jeune et malheureuse. La benjamine découvrit  ainsi de manière soudaine et brutale la triste condition des jeunes femmes de l’époque. Elle en fut choquée et décida alors qu’elle resterait dans l’insouciance enfantine, qu’elle ne grandirait pas et ne serait jamais soumise à une telle obligation.

La benjamine ne voulait pas grandir, aussi sans plus de calcul et tout de go, elle avala le contenu de sa fiole. Le lendemain, la plus jeune des sœurs se réveilla enfant.

Ses sœurs lui firent reproche d’avoir gaspillé sans réfléchir la miraculeuse et unique opportunité de rajeunir. Mais l’enfant de 5 ans qu’elle était devenue ne comprit rien du tout à ce que ses sœurs essayaient de lui faire entendre, et retourna à ses jeux insouciants.

La sœur cadette était certainement la plus belle des trois. Tous les jeunes hommes du pays la courtisaient. Cependant, elle ne pouvait se décider pour l’un ou l’autre d’entre eux, préférant se jouer des galants éperdus. Sa beauté s’épanouissait avec l’âge et avec l’expérience, elle gagnait en grâce et en élégance. On parlait d’elle dans toute la contrée, on parlait d’elle dans tout le royaume, et elle adorait cela !

Un jour, elle nota que la commissure de ses lèvres était plus marquée que la veille ; une autre fois, alors qu’elle se coiffait devant son miroir, un cheveux blanc se dévoila sur sa tempe. Sa jeunesse et sa beauté avaient passé leur zénith ; sa belle maturité allait rapidement s’étioler. Ne pouvant supporter que des femmes, plus jeunes qu’elle, lui volent son succès, elle décida que le temps de la réjuvénation était venu.

La cadette ne voulait pas vieillir, aussi, elle avala le contenu de sa fiole.

Le lendemain, elle se réveilla aussi fraîche et mignonne qu’une fille de 15 ans.

La sœur aînée avait finalement accepté son sort d’épouse et s’accommoda encore mieux de son sort de veuve, le vieux seigneur n’ayant pas vécu longtemps. Ayant repris le domaine en main, elle dirigeait les affaires avec autorité, trouvant un plaisir certain à commander les gens du château et à faire fructifier terres et troupeaux. La misère dans laquelle son père avait élevé la famille l’avait façonnée d’une drôle de manière : la possession de biens matériels était devenu son seul crédo. Elle appréciait tous les mille petits signes de la prospérité. Son domaine s’agrandissait, ses greniers et ses caves s’emplissaient, son château s’ornait des dernières nouveautés. Année après année, elle planifiait avec gourmandises les futurs développements de son fief, recherchant sans cesse de nouveaux biens à acquérir. Bientôt, tous les seigneurs de la contrée furent ses vassaux. Mais, … pourquoi s’arrêter là ? Elle voulait étendre encore son territoire. Mais de tels desseins prenaient du temps, or du temps, elle en avait ! Son programme de développement l’amènerait jusqu’à l’âge de 60 ans (un âge canonique à cette époque là), puis, sa part d’élixir magique lui redonnerait la vigueur et les perspectives d’une trentenaire, afin de poursuivre son œuvre pendant encore de longues décennies. Faisant la nique à la Camarde, la fille ainée rendrait ainsi hommage à la mémoire de son père en réalisant son rêve.

Elle en était à ces plans ambitieux, absorbée par ses calculs, pendant un de ses multiples voyages en chariot entre ses châteaux quand tout à coup, un pan de la falaise surplombant la route s’effondra brutalement sur l’attelage, tuant tout le monde, hommes, femmes et chevaux !

L’aînée ne voulait pas mourir, mais le sort en voulut autrement. Son épopée s’acheva avant qu’elle ait pu utiliser son joker.  Elle était la première des trois sœurs à disparaître.

Et sa fiole ? Elle avait si bien caché la précieuse et miraculeuse liqueur que personne ne la trouva dans le château…jusqu’à présent...

 

et cric et crac, mon conte est achevé!

mais vous pouvez découvrir les autres Contes du Castellas

 

 

Partager cette page
Repost0
Published by M&M